Joël Freuchet (Medef Anjou) : « Les entreprises sont à bout »

Face à la crise et la hausse des impôts, le Medef Anjou et l’ensemble des organisations patronales du département ont sollicité une audience en Préfecture pour tirer la sonnette d’alarme. Impression à chaud avec Joël Freuchet, président du Medef local.

Entreprise-angers.com : Dix organisations patronales et représentants de branches professionnelles* ont sollicité une audience cette semaine auprès du Préfet de Maine-et-Loire. L’heure est-elle si grave pour les entreprises locales ?

Joël Freuchet : C’est effectivement une première dans le département : mercredi dernier, l’ensemble du monde patronal angevin et choletais s’est réuni pour échanger avec le Préfet François Burdeyron. Ce type d’action n’a pas été mené qu’en Maine-et-Loire, mais aussi dans beaucoup d’autres territoires français, à l’initiative de nos bureaux nationaux respectifs. Oui c’est grave : en se rassemblant en un front uni, on souhaitait tous faire savoir au gouvernement qu’on en a vraiment marre de ne pas être écoutés.

En disant cela, vous vous faites le porte-parole des chefs d’entreprises. Quels retours avez-vous du  terrain ?

J.F : Beaucoup nous demandent de faire quelque chose. Certains nous disent même « qu’est-ce-que vous foutez ? Descendons dans la rue, faisons la grève de l’impôt ! » Bref, la plupart des entreprises sont à bout. Et si le gouvernement ne donne pas un signal fort aux entreprises avant le début de l’année prochaine, s’il ne leur tend pas la main, je peux vous dire que les organisations patronales ne répondront plus de rien. Pour le moment, on contrôle encore un peu le terrain, mais la situation risque de nous échapper à tout moment et il n’est pas impossible d’assister à des débordements.

A ce point ?

J.F : Oui je vous assure que l’exaspération est très très forte dans les entreprises.

A cause des impôts ?

J.F : Oui, à ce niveau, c’est le gros ras-le-bol. L’éco-taxe aurait été une catastrophe pour les petits transporteurs, déjà que 30% des professionnels du secteur sont en perte cette année. Nos entreprises ont des taux de marges bien trop faibles pour supporter des charges supplémentaires.  Sans compter la mise en place du compte-temps pénibilité, que les entreprises devront financer et qui, en l’état, est juste inapplicable. Avec le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé d’Europe et un coût du travail de 35 euros de l’heure, quand l’Espagne est à 20 ou l’Allemagne à 32, les entreprises françaises, surtout les petites, ne peuvent plus suivre. Prenez une société de transport française : une heure de conduite lui coûte 30% plus cher qu’une heure de conduite payée par un employeur allemand, et 50% de plus par rapport à un espagnol.

Vous demandez donc toujours et encore une baisse du coût du Travail ?

J.F : On a l’impression que les patrons demandent toujours la même chose, mais c’est aussi parce que les charges s’alourdissent toujours plus : la hausse des prélèvements obligatoires s’élève quand même à 30 milliards d’euros entre 2011 et 2013. Donc oui, on demande une baisse du coût travail, avec un transfert intégral des cotisations familiales. On demande aussi un moratoire de six mois sur toutes les taxes et les charges, ainsie qu’une simplification du Code du Travail. L’instabilité fiscale et l’inflation réglementaire empêchent les chefs d’entreprise de prendre des décisions et de se projeter dans l’avenir.

Avec une baisse de 4 à 6% des charges sur le Travail, le Crédit d’Impôt Emploi-Compétitivité (CICE) ne vous satisfait pas ?

J.F : Le gouvernement et les Préfets n’ont que ce mot à la bouche parce qu’au fond, ils n’ont rien d’autre à nous vendre. Le problème c’est que ce dispositif rate complètement sa cible. Qui en profite ?  Les McDo, la grande distribution et La Poste, bref toutes les entreprises qui utilisent des temps partiels et versent des petits salaires puisque le CICE est limité à 2,5 SMIC. Toutes les boîtes qui font de l’export, de l’innovation avec des équipes de chercheurs et d’ingénieurs passent à la trappe.

Beaucoup d’entrepreneurs auraient renoncé à solliciter le CICE de peur de subir un contrôle fiscal. Est-ce vrai ?

J.F : Le gouvernement souhaitait que les entreprises pré-financent leur CICE en 2013. En réalité, très peu l’ont fait par crainte d’attirer l’attention de l’administration et de subir un contrôle fiscal. C’est le même problème pour le Crédit Impôt Recherche (CIR). Un tel dispositif donne lieu à des contrôles systématiques qui suspendent son remboursement et dégrade, au final, les trésoreries des entreprises.

La suppression de la taxe professionnelle en 2010 n’a pas été bénéfique pour les entreprises ?

J.F : Je connais d’autant mieux ce sujet que je suis membre de la Commission des Finances de la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie. La CRCI est une des organisations attributrices de la nouvelle Contribution Economique Territoriale (CET) qui a remplacé la taxe professionnelle. Je peux vous dire que les effets de la suppression de la TP ont été très disparates selon les filières : l’industrie y a plutôt gagné, mais pas les commerces et la distribution qui ont tendance à payer plus qu’avant.

Le choc de simplification annoncé par François Hollande pour 2014/2015, vous ne le sentez donc pas venir ?

J.F : Non, tout cela, ce ne sont que des mots. On comprend qu’il faille règlementer en permanence mais, dans l’immédiat, ce qu’on exige du gouvernement c’est le principe du « one in one out », autrement dit qu’il retire une loi ou un règlement à chaque fois qu’une nouvelle norme est promulguée, afin d’empêcher l’empilement législatif.

Quels sont les secteurs les plusen difficulté en Anjou ?

J.F : Le dernier baromètre Ifop-Fiducial nous dit que les TPE de moins de 20 salariés, qui représentent 96% du tissu entrepreneurial français, anticipent une récession de- 2% en 2013. C’est plus grave dans l’hôtellerie et le commerce (-3,6%) et dans les services aux particuliers (-3,7%). En Anjou, plusieurs entreprises du bâtiment et des travaux publics sont au bord de la rupture à cause d’une guerre sur les prix, l’horticulture ornementale est frappée de plein fouet par la baisse de la consommation des ménages et des collectivités locales, et le secteur de la plasturgie souffre d’un manque total de visibilité en raison de la mauvaise situation du marché du bâtiment, dont il dépend.

Le message que vous avez fait passer en Préfecture est donc un message d’urgence …

J.F : Oui, on a demandé au Préfet de remonter nos demandes à Paris et d’œuvrer localement en ce sens auprès de l’ensemble des acteurs publics. Maintenant, on attend un signal fort.

Justement, la CGPME a récemment appelé les petits patrons à se porter candidats sur les listes municipales pour peser sur les décisions politiques. Que pensez-vous de cette initiative ?

J.F : L’enjeu est ailleurs. Je ne pense pas qu’il se situe au niveau des municipalités rurales. Malheureusement, toutes les décisions relèvent de ce que j’appelle la technostructure parisienne. Par contre, il faut impérativement que nos élus locaux nous relayent auprès des ministres et de l’Assemblée Nationale, car c’est de tout même de là que sortent les Lois. Là encore, on a le sentiment que certains de nos députés ne veulent pas nous entendre.

* Medef Anjou, Medef du Pays Choletais, CGPME 49, FFB 49, UIMM 49, TP 49, FNTR 49, GEC 49, UHA, Pasti-Ouest.

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