Fin des Ardoisières de Trélazé : retour sur 600 ans d’Histoire

Des ardoises et des hommes, des luttes, des crises, des larmes, des vies, tout cela vous fait un patrimoine : avec la fermeture des Ardoisières de Trélazé, annoncée aujourd’hui par la direction de l’entreprise, c’est un pan de 600 ans d’histoire locale, industrielle et humaine qui s’effondre.

Jour sombre pour l’Anjou : ce matin, la direction des Ardoisière de Trélazé, où travaillent encore 153 salariés, a annoncé sa fermeture définitive, faute de débouchés et de matières premières exploitables.
Epuisé, pompé, vidé par plus de 600 ans d’extraction, le site ardoisier, à bout de souffle, vit ses dernières heures et va donc s’éteindre de sa belle mort : à une époque pas si lointaine, ce bassin « bleu » devenu enclave « rouge ouvrière » dans un Anjou réputé conservateur et lisse, faisait vivre plus de 6 000 âmes à Trélazé.

A la fin du XIXème siècle, plusieurs milliers de « mineurs » (ils ont obtenu le même statut que leurs homologues des puits de charbon au lendemain de la deuxième guerre mondiale, NDLR) descendaient au « trou » afin d’y extraire la pierre à 180 mètres en profondeur. De cette époque datent les fameux chevalements à la silhouette froide et aux rugissements d’acier par où remontaient les blocs de schiste sur des terrains vagues très caractéristiques comme Monthibert, Fresnais ou Grands Carreaux.

Progressivement, ce mode d’exploitation souterraine, digne de Zola, rendu possible par le gaz et l’électricité, a remplacé celui de l’extraction à ciel ouvert dans des carrières sujettes aux éboulements. Cette succession de buttes cahoteuses alternant avec ces vasques remplies d’eau, les fameux « bas-fonds », imprime encore aujourd’hui au lieu cette couleur lunaire et cette courbe volcanique, vestiges et dessins immuables d’une terre remuée aux tripes par les hommes et le fer.

Trélazé, un bastion de la cause ouvrière

A Trélazé, la première carrière d’ardoise a été creusée en 1406 au lieu-dit Tirepoche, en pleine guerre de Cent ans. Deux siècles plus tard, la Reine Mère Marie de Médicis visitait l’un des sites trélazéens d’où sont arrachés, à l’époque, 5 millions d’éléments schisteux par an. Au fil des siècles, la cause ouvrière se développe avec l’industrialisation effrénée et la survenance métronomique des crises capitalistes, jusqu’à la création du premier syndicat ardoisier en 1848.

Pour faire face à une demande toujours plus forte, les exploitants recrutent de la main d’œuvre bretonne pendant que Trélazé se forge une âme de bourg révolutionnaire, notamment par l’intermédiaire d’une société secrète, La Marianne, à laquelle adhèrent pas moins de 400 ouvriers ardoisiers.

De grandes figures socialistes et anarchistes feront un passage « obligé » à Trélazé : Jean-Baptiste Clément, Tortelier, Louise Michel et le syndicaliste Léon Jouhaux venu soutenir une grève d’un mois en 1910… A cette époque, la production bat son plein et transforme le paysage local dont les habitations se recouvrent d’ardoises naturelles en provenance de Trélazé.

Une première grosse vague de suppressions d’emploi secoue les Ardoisières en 1983 (420). Une autre interviendra en 1992. En cause : la concurrence internationale mais aussi la raréfaction des ressources sur place.

Réduite à 153 salariés à la fin des années 2000, l’activité se trouve aujourd’hui au bord de l’extinction : « Les recherches de nouveaux gisements étant restées infructueuses, la société ne dispose plus, désormais, des matières premières nécessaires au maintien de son activité» indique dans un communiqué le producteur française de minéraux Imérys, propriétaire de la société des Ardoisières d’Angers. « La situation financière de  l’entreprise s’est par ailleurs détériorée au cours des dernières années, avec une perte d’exploitation estimée à près de 4 millions d’euros, malgré un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros, sur les dix premiers mois de 2013 ».

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