Zohra Gallard (CGPME 49) : « Nous sommes au bout d’un système qui ne tient plus »

La Confédération Générale des Petites et moyennes entreprises du Maine-et-Loire fédère aujourd’hui un millier d’entreprises ainsi que les branches professionnelles (UIMM, FNTR, UMI, FFB, FP, FNAIM) et assure 97 mandats. Interview de Zohra Gallard, sa présidente, également directrice générale de Softec, organisme de formation professionnelle basé à Avrilllé. Zohra Gallard, élue à la tête de la CGPM en 2004 quittera son mandat début 2014.

Quel est le climat actuel dans les entreprises en Maine-et-Loire ?

Zohra Gallard : « Le climat est plutôt morose. Les chefs d’entreprises sont désabusés et sont dans une situation d’attentisme car ils ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés. Et puis côté affectif, ils sont en mal de reconnaissance de la part des politiques mais aussi de l’ensemble de la société qui les accusent de tous les maux« .

Ce manque de reconnaissance n’est –t-il pas dû à la période de crise que vivent nos concitoyens ?

Z.G : « Je ne pense pas que nous soyons en période de crise. Nous sommes dans une période de mutation économique. Beaucoup le pensent. On a atteint les limites d’un modèle. On essaie de faire du Keynes ou du Copernic dans l’économie et on n’y arrive plus. Nous sommes face à une économie mondialisée multiforme et exponentielle. Avant vous aviez la route de la soie et avant d’arriver en Europe il s’écoulait une longue période. Aujourd’hui c’est terminé.  Or nous n’avons pas changé de paradigme avec la mondialisation ; on est incapable d’organiser l’OMC, avec un commerce équitable, une Europe sociale équitable etc…nous sommes au bout d’un système qui ne tient plus. Les citoyens regardent l’entreprise à travers un prisme déformé et déformant.  Par exemple, le paritarisme, ou encore le découpage administratif de nos régions reposent sur des schémas qui datent des années70, les entreprises en crèvent !« 

Et cette mutation finalement mal comprise a un impact sur le moral des chefs d’entreprises ?

Z.G : « Absolument. Par ailleurs, les médias ne s’intéressent qu’aux grandes entreprises et au MEDEF.  Alors que 90% des entreprises sont des PME de moins de 50 salariés. Avouez qu’il y a un léger  problème de communication ».

Ce problème de communication est-il uniquement dû à la presse ?

Z.G : « On ne nous entend pas parce qu’on n’a pas envie de nous entendre. Comment voulez-vous vendre du papier quand une entreprise embauche 2 personnes ou licencie deux personnes !  En termes de communication, la CGPME souffre de deux écueils : nous sommes une confédération avec des branches professionnelles aux intérêts différents et nous sommes l’addition d’une myriade de PME.
Mais notre communication fonctionne malgré tout. Regardez cette affaire de plus-value de cession d’entreprise. Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie nous avait reçu et entendu dès le mois de juin et il avait écrit au président de la  CGPME en promettant qu’il ne toucherait jamais aux plus-values de cession. C’est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas associés au mouvement des « volatiles »
(mouvement des « pigeons » entrepreneurs lancé sur internet en octobre. NDLR).  

Les critiques pleuvent sur les entreprises en France, il y a un climat de défiance et de suspicion. Quelles sont les valeurs de votre confédération ?

Z.G : « Nous défendons d’abord et avant tout des valeurs d’humanisme. L’important dans une entreprise, sa valeur ajoutée, c’est l’homme. Depuis 1945, la CGPME se bat pour défendre cette valeur. Aujourd’hui, on a l’air de prendre conscience qu’une entreprise est composée d’hommes et  de femmes ».

L’image des entreprises ne s’est-elle pas améliorée aujourd’hui ?

Z.G : « Les  Français sont culturellement très éloignés du monde de l’entreprise en raison  d’abord de nos racines judéo-chrétiennes  avec cette critique de l’argent.  « C’est sale de gagner de l’argent en voulant créer sa boite » : c’est ce qu’on entend souvent. Deuxièmement les PME ne savent pas chasser en meutes, additionner les talents et compétences. Enfin, troisièmement, on est incapable de stimuler la société française autour de l’investissement dans les entreprises. Les Français préfèrent mettre de l’argent sur des livrets A plutôt que d’investir dans des Business Angels pour aider l’entreprenariat dans notre pays ».

Dans le département, comment se portent les entreprises ?

Z.G : « Il y a des bassins très différents des uns des autres.  D’un point de vue général, on assiste à une accélération des dépôts de bilans. En même temps, on s’aperçoit que les entreprises qui ont su faire attention à leur haut de bilan s’en sortent mieux.  Par ailleurs, une étude d’évaluation du Conseil Economique et Social réalisée à la suite de la crise de 2008/2009 montre que ce  les entreprises familiales qui ont le mieux résisté. Il est donc très important de garder ces entreprises au capital familial sur nos territoires car c’est le meilleur moyen de résister. Le mouvement des « pigeons » à ce propos n’a pas été une bonne communication car il pouvait laisser penser qu’un entrepreneur n’avait comme seul objectif la vente de son entreprise avec à la clé la réalisation d’une plus-value de cession ».

Malgré la situation, créer son entreprise aujourd’hui est-il raisonnable ?

Z.G : « C’est une très belle aventure, pleine de bonheur car vous recréez un groupe un peu comme une nouvelle famille. Mais sachez de toute façon qu’il y aura de plus en plus d’entreprises car nous ne pourrons pas continuer à faire vivre tous les gens qu’on fait vivre aujourd’hui sans créer de nouvelles richesses ».

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Journaliste de formation, j'occupe actuellement la fonction de rédacteur au sein du réseau des sites Internet de services aux entreprises du groupe Libbre. Je peux justifier d'une expérience de six ans dans la presse quotidienne angevine au sein de trois quotidiens : la Nouvelle République, Ouest-France puis le journal majoritaire en Maine-et-Loire : le Courrier de l'Ouest (2007-2009).

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