Commande publique & BTP : une initiative angevine en faveur de l’emploi local

Et si la pratique de la langue française devenait une clause obligatoire dans les marchés du BTP ? Une idée défendue par un élu angevin pour en finir avec les ouvriers à bas coût…

Le boom des salariés « low cost »

D’après la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, le nombre de travailleurs détachés en situation illégale en France est estimé à plus de 210 000 en 2015, soit dix fois plus qu’en 2005. On les retrouve notamment dans le secteur BTP (37 %).

Tous secteurs confondus, les missions effectuées en 2014 représentaient 9,7 millions de jours de travail, soit plus de 4 000 emplois équivalent temps plein.

L’Insee estime quant à lui la part des travailleurs détachés dans le secteur de la construction autour de 16%. Chiffre porté entre 30 et 40% par la CGT.

Des chiffres impressionnants sur les 1,2 millions de salariés du BTP, et volontiers alimentés par les entreprises françaises : deux tiers des chefs d’entreprises avouaient ne pas pouvoir se passer de main d’œuvre étrangère dans le bâtiment dans un sondage réalisé par l’institut I+C. Des étrangers plus « corvéables » et beaucoup moins rémunérés qui constituent une concurrence déloyale.

Des mesures gouvernementales insuffisantes

Le pouvoir politique, en Europe comme en France, est bien conscient de ce phénomène. Ainsi, le décret du 31 mars 2015, complété par la loi Macron, met en place plusieurs mesures visant à lutter contre la fraude au détachement des salariés étrangers en France :
–    solidarité financière des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordres en cas d’abus ou de fraude de l’un de leurs sous-traitants,
–    obligation pour les salariés du BTP de posséder une carte professionnelle,
–    augmentation du plafond de l’amende pour fraude porté de 150 000 à 500 000 euros.

Ces dispositifs doivent dissuader les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre de recourir illégalement – sans respect du SMIC et des minima conventionnels – à des salariés détachés et à des travailleurs sans papiers.

Cependant, dans les faits, les contrôles restent limités.

La force de la commande publique

La solution pourrait se situer au niveau des donneurs d’ordres publics.

Le secteur du BTP dépend à 70% de la commande publique. Les acheteurs publics détiennent donc une part de responsabilité dans ce « dumping » social, mais ont aussi le pouvoir d’endiguer ce phénomène.

Déjà, le nouveau Code des marchés publics prévoit de lutter contre les offres anormalement basses : lorsqu’une offre semble anormalement basse, l’acheteur public devra demander au candidat et aux sous-traitants des justifications sur le montant de cette offre, et la rejeter s’il s’avère que le prix est manifestement sous-évalué.

Aussi, une initiative lancée par plusieurs élus dont Roch Brancour, adjoint au Maire d’Angers et Vice-président Région Pays de la Loire, pourrait faire son chemin : le 1er avril, ce collectif a signé une tribune dans le Figaro pour demander que la pratique de la langue française devienne obligatoire sur les chantiers du BTP.

Pour Roch Brancour, « l’objectif est de rétablir de l’équité entre les entreprises qui emploient des travailleurs locaux et celles qui emploient des travailleurs détachés ».
Egalement président d’Angers Loire Habitat, il va de son côté proposer à son conseil d’administration de mettre en place cette mesure dans ses procédures d’appels d’offres.

Une application réussie en Charente

Cette pratique est d’ailleurs déjà utilisée par certains acheteurs publics comme le fait remarquer Antoine Martin, de la plateforme d’appels d’offres France Marchés, qui a relevé plusieurs avis rédigé dans ce sens. Ainsi, une offre publiée par la mairie d’Angoulême a introduit la clause spécifique suivante : « l’ensemble des ouvriers présents sur le chantier devra comprendre et s’exprimer en français » pour encadrer la rénovation de l’Ehpad de Confolens.

En attendant qu’une telle clause intègre officiellement le code des marchés publics, les acheteurs sont libres – voire plutôt encouragés – à inclure des clauses similaires, dans l’objectif, cité par le collectif, de « stopper la course au moins-disant social et redire que l’usage de l’argent public ne doit pas permettre la destruction de nos systèmes sociaux et de notre tissu économique ».

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Journaliste de formation, j'occupe actuellement la fonction de rédacteur au sein du réseau des sites Internet de services aux entreprises du groupe Libbre. Je peux justifier d'une expérience de six ans dans la presse quotidienne angevine au sein de trois quotidiens : la Nouvelle République, Ouest-France puis le journal majoritaire en Maine-et-Loire : le Courrier de l'Ouest (2007-2009).

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